Empereurs des ténèbres by del Valle Ignacio

Empereurs des ténèbres by del Valle Ignacio

Auteur:del Valle,Ignacio [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 275290651X
Éditeur: Phebus
Publié: 2012-02-29T16:00:00+00:00


Arturo n’avait plus le hoquet depuis un bon moment. Il avait encore la peur au ventre en se dirigeant vers l’état-major, même s’il marchait dans la neige d’un pas énergique entre les palais sculptés par la mitraille. Après avoir suivi son fil d’Ariane à travers les mines qui protégeaient l’entrée du palais de Catherine II, il avait abandonné derrière lui, planté là telle une ténébreuse statue de lui-même, un Ricardo Guerra qui l’avait laissé partir sans dire un mot. Arturo larmoyait de froid et avançait sans oublier que la zone était truffée de francs-tireurs, avec la hantise d’entendre tinter les clochettes accrochées le long des barbelés. Le chapelet de demi-vérités et de mensonges mêlés s’éparpillait dans son esprit, lorsqu’il buta presque sur un poste d’observation de l’artillerie. C’était une construction de briques bâtie au milieu d’un bosquet, probablement une ancienne fabrique de farine, qui eût semblé neutre à première vue si une ligne téléphonique à moitié enterrée n’avait indiqué sa condition actuelle. Il était presque trois heures et demie de l’après-midi et la nuit commençait à tomber ; l’heure et les cheminées d’usines qui flirtaient avec les palais dans le lointain lui rappelèrent que c’était peut-être là l’occasion unique de contempler Leningrad. Sans plus tarder, il pénétra dans le bâtiment ; l’intérieur se résumait à quelques salles vides. Il repéra un escalier de bois dont il gravit les marches grinçantes. La dernière volée débouchait sur une citerne ; il passa la tête par l’ouverture de l’escalier et, après avoir déposé son fusil et son sac, se hissa à la force des bras sur le plancher de la plate-forme. Une fois dehors, il resta accroupi, guettant les francs-tireurs de tous ses yeux. Aucun soldat ne montait la garde, mais quelqu’un avait laissé près du bord un étui à jumelles fermé et un téléphone de campagne, comme pour signaler qu’il ne tarderait pas à revenir. Arturo s’assit à côté, ramassé sur lui-même, et sortit les jumelles de leur étui. Elles étaient autrichiennes, très puissantes, d’un grossissement de quarante. Il retira les capuchons des objectifs qu’il pointa sur les environs pour les régler avec précision. Il examina d’abord le bois qui entourait Pouchkine puis, quand il parvint à mieux s’orienter, le peigne d’une ligne de barbelés sur la neige et, plus précisément, l’une des fameuses clochettes du palais d’Alexandre accrochée entre deux nœuds de barbelés. Il tourna un peu la molette pour distinguer le détail des piquants acérés et, en suivant lentement les grandes ramifications des tranchées au tracé paranoïaque, il passa dans la zone soviétique où il pénétra dans le demi-cercle défensif que la suspension de l’opération Nordlicht, cinq mois auparavant, avait tissé autour de la ville. La terre labourée par les obus et couverte de casemates, de fossés antichars, de nids de mitrailleuses et d’énormes saignées longeant le cours de la Neva avait immobilisé la Wehrmacht qui n’avait fait que trahir sa faiblesse, malgré sa détermination et les moyens mis en œuvre lors du siège, car sa puissance, celle-là même qui lui avait permis de conquérir toute l’Europe, résidait dans le mouvement.



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